Fayet il était une fois ... Etienne

< La communale a fermé ses portes jusqu’à la prochaine rentrée.
Notre maître auxiliaire n’allait pas tarder. Descente au Vernet par la départementale, le reste à pied par le chemin de l’Ane, un beau costume, sa valise à la main, Etienne nous revenait.
Le premier d’entre nous qui l’avait aperçu était fier d’annoncer la bonne nouvelle dans le Bourg. Les chaudes après-midi allaient afficher complet à notre école buissonnière. Aussi, de nombreuses dictées évitées devant une maman impatiente et la mouche qui tapait des ailes à chaque faute.
Le flacon dans la poche, une paire de bottes, ton bâton fourchu, tu arpentais la commune ; à tes côtés, nous étions des privilégiés, tu nous faisais écouter la nature ; soudain un arrêt, les yeux grands ouverts, un frisson, la chair de poule partout : Elle était là. Nous regardions avec quelle délicatesse l’aspic faisait des arabesques de câlin sur le bâton de noisetier. Les explications, avec ta voix et ton regard étrange, était rassurant devant le danger.

Un genou au sol, une main sur le cul de la bouteille, tu lui présentais le frais du goulot ; sous la fourche, la vipère s’engageait facilement et tu lui tapotais la queue pour lui dire : « allons, plus vite ». Le cours commençait : le diable dans la bouteille et cette langue noire et fourchue que le verre nous grossissait.
Retour au Bourg, tu lui faisais retrouver la liberté dans le bac, elle nageait élégamment la tête hors de l’eau. Les plus grands ont même pris la vipère à bout de bras pendue par la queue.
Il faut bien une fin à chaque histoire. Avant qu’elle soit adoptée, l’élu du jour allait acheter une litre d’alcool à brûler à l’épicerie locale.
Deuxième mise en bouteille au château. L’entonnoir et l’alcool sur l’aspic, les sifflements partaient, elle se raidissait après une courte agonie. Etienne, à l’aide d’un osier, la disposait : une dernière caresse en somme. Chacun de nous a eu le plaisir de ramener dans nos classes ce trophée « made in Fayet » ….
Merci Etienne.

J.P.P.